Sous un seul hunier – le dernier – à la cape,
Le navire était soûl ; l’eau sur nous faisait nappe.
– Aux pompes, faillis chiens ! – L’équipage fit – non.
– Le hunier ! le hunier !…
C’est un coup de canon,
Un grand froufrou de soie à travers la tourmente.
– Le hunier emporté ! – C’est la fin. Quelqu’un chante.
– Tais-toi, Lascar ! – Tantôt. – Le hunier emporté !…
– Pare le foc, quelqu’un de bonne volonté !…
– Moi. – Toi, lascar ? – Je chantais ça, moi, capitaine.
– Va. – Non : la goutte avant ? – Non, après. – Pas la peine :
La grande tasse est là pour un coup… –
Pour braver,
Quoi ! mourir pour mourir et ne rien sauver…
– Fais comme tu pourras : Coupe. Et gare à ta drisse.
– Merci –
D’un bond du singe il saute, de la lisse,
Sur le beaupré noyé, dans les agrès pendants.
– Bravo ! –
Nous regardions, la mort entre les dents.
– Garçons, tous à la drisse ! à nous ! pare l’écoute !…
(Le coup de grâce enfin…) – Hisse ! barre au vent toute !
Hurrah ! nous abattons !… –
Et le foc déferlé
Redresse en un clin d’œil le navire acculé.
C’est le salut à nous qui bat dans cette loque
Fuyant devant le temps ! Encor paré la coque !
– Hurrah pour le lascar ! – Le lascar ?…
– À la mer !
– Disparu ? – Disparu – Bon, ce n’est pas trop cher.
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– Ouf ! c’est fait – Toi, Lascar ! – moi, Lascar, capitaine,
La lame m’a rincé de dessus la poulaine,
Le même coup de mer m’a ramené gratis…
Allons, mes poux n’auront pas besoin d’onguent-gris.
– Accoste, tout le monde ! Et toi, Lascar, écoute :
Nous te devons la vie… – Après ? – Pour ça ?… – La goutte !
Mais c’était pas pour ça, n’allez pas croire, au moins…
– Viens m’embrasser ! – Attrape à torcher les grouins.
J’suis pas beau, capitain’, mais, soit dit en famille,
Je vous ai fait plaisir plus qu’une belle fille ?…
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le capitaine mit, ce jour, sur son rapport :
– Gros temps. Laissé porter. Rien de neuf à bord.