Je cerchois de mes tristes yeux
La Verité aux aspres lieux,
Quand de cette obscure tasniere
Je vis resplendir la clarté
Sans qu’il y eust autre lumière :
Sa lumière estoit sa beauté.
J’attache le cours de mes ans
Pour vivre à jamais au dedans :
Mes yeux, de la première veüe,
Bien que transis et esplorez,
L’eurent à l’instant recognuë
A ses habits tout dechirez.
« C’est toi, di-je, qui sceus ravir
Mon ferme cœur à te servir ;
A jamais tu seras servie
De luy, tant qu’il sera vivant.
Peut-on mieux conserver sa vie
Que de la perdre en te servant ?
« De celuy qui aura porté
La rigoureuse Verité
Le salaire est la mort certaine :
C’est un loyer bien à propos :
Le repos est fin de la peine,
Et la mort est le vray repos. »
Je commençois à arracher
Des cailloux polis d’un rocher,
Et elle tordoit une fonde ;
Puis nous jettions par l’univers,
En forme d’une pierre ronde,
Ses belles plaintes et mes vers.
Quelquefois, en me proumenant,
La Verité m’alloit menant
Aux lieux où celle qui enfante,
De peur de se perdre se perd,
Et où l’Eglise qu’on tourmente
S’enferma d’eau dans le desert.
O desert promesse des cieux,
Infertile, mais bien-heureux !
Tu as une seule abondance,
Tu produis les celestes dons,
Et la fertilité de France
Ne gist qu’en espineux chardons.
Tu es circuï, non surpris,
Et menacé sans estre pris :
Le dragon ne peut et s’essaie :
Il ne peut nuire que des yeux.
Assez de cris et nulle plaie
Ne force le destin des cieux.
Quel chasteau peut si bien loger ?
Quel roy si heureux qu’un berger ?
Quel sceptre vaut une houlette ?
Tyrans, vous craignez mes propos,
J’auray la paix en ma logette,
Vos palais seront sans repos.
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