Si beaucoup d’or m’était compté
J’y prendrais un plaisir extrême
J’achèterais à l’instant même
Un petit patelin d’été,
Loin, oh ! que loin de toutes villes !
Du monde et de ses divers sports,
Que loin des commerces, ces porcs !
Et des politiques, ces viles !
Ce ne serait pas un château,
Mais une belle et bonne ferme.
J’aurais peur de m’ennuyer ferme
Dans mon château. Zut au château !
Cette ferme, autant que possible,
Serait sise au bord de la mer,
En Bretagne, en un coin, c’est clair,
Aux touristes inaccessible
Encore qu’ouvert aux voleurs.
Là, je vivrais avec des bêtes
Et des fleurs. Quelles belles fêtes
Vous font les bêtes et les fleurs !
Avant tout, vous pouvez m’en croire,
J’y ferais venir des amis,
Des amis, mais pas très bien mis
De peur qu’ils ne fassent leur poire.
J’y flanquerais également
Un tas de petites chéries
Au teint clair, aux lèvres fleuries
Que l’on aimerait ardemment.
Je dis on et pas davantage,
On, c’est eux. Calmez cet émoi,
Car il ne s’agit pas de moi,
Vous pensez bien qu’à mon grand âge
Je subis combien de licous…
Non… je n’ai plus la main heureuse.
Au jeu de l’escrime amoureuse
Ne puis plus que compter les coups.
Ainsi l’on passerait sa vie.
Ce petit patelin d’été
Serait un séjour enchanté.
Une table toujours servie
Digne en tous points du gros Falstaff
Et croulant des mets les plus rares,
Et des simples pour les barbares ;
Et comme l’on a toujours soif
Et que le fait de satisfaire
Les goûts les plus capricieux
De ces dames et ces messieurs
N’est pas une petite affaire,
Il y aurait, pour ces motifs,
Les liqueurs de toutes manières,
Les plus indiscutables bières,
Les vins les plus affirmatifs,
En un mot, quoi, toute la lyre,
Pour quant à moi, je ne bois pas
À peine pendant mes repas
(Un doigt de vin, et, c’est pour dire…)
Et lorsque l’on voudrait surseoir
À la… la petite bêtise,
— Que voulez-vous que je vous dise ?…
On boirait du matin au soir.
Voyons, dites-moi, je vous prie
Là, franchement… voyons, messieurs…
Si cela ne vaudrait pas mieux
Que d’aller à la brasserie.