Autrefois, nos belles années
S’en allaient tout droit devant elles,
Et s’imaginaient immortelles
Leurs éphémères destinées.
Folles, rieuses, mal peignées
En désordre, ces jeunes fées
Galopaient, de ciel bleu coiffées,
Et cueillaient les fleurs à poignées.
Elles s’en allaient, les coquettes,
Humant l’air frais de l’Espérance,
Avec une telle assurance !
Vers on ne sait quelles conquêtes ?
Le ciel suspendait ses écharpes
De clarté sur ces belles gueuses
Et dans les forêts lumineuses
Les vents chantaient comme des harpes.
Las ! peu d’elles sont revenues
Ayant conquis de périssables
Et fragiles châteaux de sables
Et de vains palais dans les nues.
II
Nous avons vécu notre jeunesse
Comme des enfants insoucieux,
Étant les plus fous que je connaisse
Sous la voûte des cieux.
Quelle joie avons-nous eue, en somme ?
Quel misérable contentement ?
Avons-nous joui de l’art d’être homme
Pendant un seul moment ?