Aimez-vous ?… moi non plus, tout cet atroce bruit,
Cet excès de lumière,
Qui sévissent dans les cabarets d’aujourd’hui,
Qui sont dits « de première
Tous ces points lumineux harcèlent vos regards
Comme un essaim d’abeilles,
Cependant que les airs des Strauss et des Lehars
Vous vrillent les oreilles.
Jouez, si vous voulez, musiciens, au loin,
Derrière un triple store.
Et si, par hasard, on ne vous entendait point,
Ça vaudrait mieux encore !
Au diable tout concert, quand je mange ! Et pourtant
J’adore la musique
Mais, à table, elle m’est un déplaisir constant,
Fût-elle séraphique.
« Rien ne doit déranger — comme disait Berchoux —
L’honnête homme qui dîne. »
N’aurait-il devant lui qu’une humble soupe aux choux,
Que dis-je ?… une sardine.
Le meilleur repas m’est, je vous le dis tout clair,
Une chose odieuse,
S’il me faut l’avaler, par exemple, sur l’air
De la « Veuve Joyeuse ».
Et je puis encor moins déguster, sacrebleu !
Un vin recommandable,
Cependant que gémit du « Beau Danube bleu »
La valse redoutable.
Non, mais enfin… Messieurs les cabaretiers, me
Prenez-vous pour un cube ?
Vous ne saurez jamais, quand je bois, combien je
Me fiche du Danube !
Ah ! les bons cabarets d’autrefois, si plaisants !
Combien je les regrette !
Avec leur peu de bruit, leurs lambris reposants,
Leur lumière discrète.
Las ! aujourd’hui, c’est un vacarme à tout casser,
À se croire à la foire.
Jadis, à la bonne heure, on s’entendait manger,
Et l’on s’écoutait boire.
Nous nous passions fort bien de l’électricité,
Pour faire des orgies ;
On y voyait assez à l’obscure clarté
Qui tombe des bougies.
C’était, et c’est encor pour nous, hommes de bien,
Le premier des systèmes.
Et puis, quand nous voulions de la musique, eh bien.
Nous la faisions nous-mêmes !