Ah dieux ! qu’ouis-je ? Ciel ! qu’apprends-je ?
Voilà pour le moins de l’étrange :
Il paraîtrait que le bas noir
Tend à déchoir.
Le bas noir ! la seule conquête
Peut-être que la femme ait faite
Sur la nommée Antiquité !
En vérité
Quelle exécrable cuisinière
Sans cervelle, toute en derrière
A fait courir ce vilain bruit
Qui me poursuit ?
Car je veux bien admettre encore
Que ce n’est qu’un bruit de pécore.
Hélas ! si pourtant c’était vrai !
Je m’en irai,
J’abandonnerai ma patrie,
Aussi ma petite chérie :
Est-ce que je saurais la voir
Sans son bas noir ?
Le bas noir qui fait qu’une belle
N’aurait-elle que ça sur elle
Est vêtue assez décemment
Pour son amant.
Le bas noir qui si bien l’habille
Le matin et la déshabille
Le soir, vouloir le supprimer !
Ça fait bramer.
Mais le plus extraordinaire
C’est qu’on parle dans cette affaire
D’y substituer le bas blanc,
C’est époilant !
On me dira : mais nos grand’mères
N’étaient pas, je crois, des chimères ;
Elles adoptèrent pourtant
Ce vil bas blanc.
Oui, sans doute, mais nos grand’mères
Étaient simplement nos grand’mères
Et… requiescant in pace
Dans le passé.
Et puis, on peut dire une chose
C’est qu’à leur époque morose,
Et pour ainsi parler, les bas
N’existaient pas.
On sait, et de source certaine,
Que par peur de Croquemitaine,
Leur descendaient les pantalons
Jusqu’aux talons.
Elles ne montraient leur bas guère,
Ils n’étaient pas harnois de guerre,
Ainsi — les pauvres innocents
Qu’en dix neuf cents.
Alors, vous pensez bien, qu’ils fussent
Mordorés, blancs ou couleur puce
C’était kif-kif pour le michet
Qui s’en fichait.
Tandis, voyez de noir gantées
Les jambes fines et futées
Du plus misérable trottin…
Sacré mâtin !
Vous voilà parti pour la… gloire
Tellement, c’est à n’y pas croire,
Un bas montré noir à propos
Vous rend dispos.
Par contre, un blanc vous décourage,
Il est bête, vide, sauvage ;
Va donc, infortuné galant,
Suivre un bas blanc !…
Le bas blanc, voyez-vous, madame,
N’est bon, en sa candeur infâme
Qu’à faire valoir le jarret
De Montjarret.