La France est un pays charmant.
Et tu le dis excellemment
Dans ta chronique, ô Debusschère !
Étant, au suprême degré,
Le pays cent fois consacré
Du vin et de la bonne chère.
Certe, on peut aller n’importe où,
En France, il n’est si petit trou,
Dans un coin perdu de province,
Qui n’ait sa spécialité,
Son mets favori, réputé,
Digne de la gueule d’un prince.
Quant au vin, je n’en dirai rien.
Si j’en parlais, Dieu sait combien
Je tomberais dans l’hyperbole !
J’affirme néanmoins ceci :
Que les vins, nés ailleurs qu’ici,
Ne sont que de la rocambole.
C’est là ton avis, c’est le mien.
Mais, où je ne comprends plus rien,
C’est lorsque ta plume rabaisse,
En des termes plutôt hardis,
Au rang d’affreux salmigondis,
L’incomparable bouillabaisse !
Je veux croire, mon pauvre ami,
Que c’est un « lapsus calami ».
Ou bien, c’est que ta cuisinière
T’aura servi, sous ce nom-là,
On ne sait quel sombre rata.
Ah ! dame !… Il y faut la manière.
Salmigondis ! c’est bientôt dit.
Vous l’entendez, gens du Midi !
Marius ! troun de l’air ! bagasse !
Parler avec un tel dégoût
De ce chef-d’œuvre de haut goût !
Quoi ! faire fi de la rascasse !
Moi je dis que le cuisinier
Qui sut mélanger le premier,
Avec mesure, avec sagesse,
Ces poissons et ces condiments,
Enfin… les divers éléments
Qui constituent la bouillabaisse,
Mérite une statue en or,
Car il établit un record.
C’était un homme de génie.
Et j’estime, qu’à tout jamais.
Par les véritables gourmets
Sa mémoire sera bénie.
Oui, Debusschère que voilà,
La bouillabaisse est un peu là,
C’est une des moins contestées
Culinaires combinaisons,
Que l’homme ait jamais inventées,
Esculente en toutes saisons.
Et les Provençaux n’ont pas tort,
S’ils en hâblent, coquin de sort !
Sache bien, que moi qui te parle,
Je la prise le même prix,
Et je le dis sans parti pris,
N’étant de Marseille ni d’Arles.