Raoul Ponchon


Jupe ou culotte

Quoi prévaut ? Culotte ou jupe
Telle est l’âpre question
Qui pour le moment occupe
La publique attention.

En attendant que dans Rome
On en ait concilé, je
Crois que si, tel un homme,
Tu vas enjambant ton pneu,

Ô cyclewoman lectrice,
Une culotte convient
Plutôt à cet exercice
Que tu honores combien !

Au point de vue artistique
Lequel détient le record ?
Seigneur, dieu de la Plastique,
Mets-nous là-dessus d’accord.

Aujourd’hui, tel qu’il le porte,
L’affreux pantalon bouffant
Fait au sexe en quelque sorte
Un derrière d’éléphant.

Est-il plus hygiénique ?
Il ne l’est ni plus ni moins
Que la jupe. Aussi pudique ?
Tout autant. M’en soient témoins

Ces messieurs. Il nous dérobe,
Voilà pour nous le plus clair,
Tout aussi bien qu’une robe
Ce qui nous est le plus chair.

De manière qu’il nous dupe
Ce pantalon godichon,
On ne sait si qui l’occupe
C’est du lard ou du cochon.

Mais voilà qui me défrise
Et met mon flair en défaut :
La jupe une fois admise,
Ma chère, en somme, il te faut

Cependant une culotte
Dessous ? cela fait double emploi,
Car il t’en faut, saperlotte !
Une culotte ! sans quoi

L’on pourrait voir sans chandelle
Pour peu que lâchant ton pneu
Tu ramasses une pelle
La ousque tu as un bleu.

Mon Dieu, d’effroi je n’en beugle,
Tu peux bien penser que je
Ne deviendrais pas aveugle
Pour assister à ce jeu.

Quoi qu’il en soit je déclare
N’aimer point du tout ce chiffon.
Et si la jupe est bizarre
Le pantalon est bouffon.

Laissez-moi donc cette jupe
Dont vous vous embarrassez
Aux Riquettes à la huppe,
Ô cyclistes, et laissez

Cette culotte aux zouaves,
Et dans un maillot collant
Montrez vos formes suaves,
Ce sera bien plus galant.

Montrez vos lignes parfaites…
Que diable, nos pauvres yeux
N’ont déjà pas tant de fêtes
Sous la culotte des cieux…

(Pardon !) Loin d’être prodigues
De votre corps argenté,
Vous ne sortez que vos gigues :
C’est peu pour notre santé.

Pour paraître ainsi vêtues
Je suppose, en résumé,
Que vous êtes mal foutues
Jusqu’à plus ample informé.
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