Raoul Ponchon


Galanterie hollandaise

Ils vinrent donc — dit la Gazette
Quand la Reine les eut quittés,
Chercher les objets de toilette
Qu’ils avaient galamment prêtés.

Combien leur âme fut ravie
En constatant, tout à loisir,
Qu’elle s’était de tous servie,
Conformément à leur désir !

Ô chère enfant ! ô Wilhelmine !
— Disaient ces bons Ruremondois
Nos linges sur ta peau d’hermine !
Nos savons en tes roses doigts !

Et voilà que leurs mains hâtives
Tremblaient d’aise, balbutiaient
Sur leurs reliques respectives…
Ils se pâmaient, s’extasiaient !

L’un reprit ses fards, cosmétiques,
Ses boîtes de poudre de riz,
L’autre ses fioles d’huile antique
Et s’en firent des beignets frits ;

Un troisième de ces bons drilles,
Ses éponges… qu’il avala
Tout comme il eût fait des morilles.
Et Dieu sait s’il se régala !

Tel, avec ses « pattes de lièvre »
Obtint un modeste civet ;
Tel, de son rouge pour les lèvres,
Ne réalisa qu’un sorbet.

Un, de son savon de Marseille
Fit un fromage. Un autre mit
L’eau de sa baignoire en bouteille,
Pour la boire avec ses amis,

À la prospérité du règne !
Celui-ci, non des moins ardents,
Se servit des dents de ses peignes
En manière de cure-dents.

Celui-là, poussé par le Diantre,
Trouva de même fort plaisant
De se brosser son pauvre ventre
Avec ses brosses, jusqu’au sang.

Puis ce fut cet objet absurde…
Comment déjà vous l’appelez ?…
Qui devint une pipe kurde,
Un narghilé, si vous voulez…

Enfin de ce meuble bizarre,
Qui sert aux durs travaux d’Éros.
Le dernier fit une guitare
Sur laquelle il chanta le los
De sa Reine !
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