Raoul Ponchon


Féminisme

Tas d’électeurs que vous êtes,
Pourquoi n’avoir pas nommé
Une de nos suffragettes,
En ce triste mois de mai ?

Au vilain sexe mêlée,
Elle pouvait égayer
Votre future assemblée.
Que risquiez-vous d’essayer ?

La femme, c’est le sourire…
Même, en plus d’un altercas,
Elle a bien son mot à dire.
Comme tel, — en tous les cas,

Orateur au taximètre,
Elle tiendrait le crachoir
À la Chambre, et mieux, peut-être,
Du matin jusques au soir,

Pour dire la même chose.
Et qu’attendez-vous de plus
(Puisque aussi bien on en cause)
Des trois quarts de vos élus ?

Serait-il pas mieux, mon âme !…
En outre, que nos écus
Allassent à quelques femmes
Que non pas à leurs cocus ?

N’en parlons plus. Le litige,
Hier, fut tranché par vos soins.
Mais vous avez eu tort, dis-je,
De n’en élire une, au moins !

C’est d’autant plus ridicule
Qu’il semble bien qu’aujourd’hui,
À la céleste pendule,
L’heure du beau sexe ait lui.

Nous avons des avocates,
Des artistes, Dieu merci !
Suaves et délicates,
Et des savantes aussi.

Il est des femmes, plus d’une,
Que je ne nommerai point,
Pour n’en chagriner aucune,
Et qui rendraient plus d’un point

À tel de nos psychologues,
De nos meilleurs écrivains,
Encore qu’on épilogue.
C’est incontestable. Enfin,

Pour ceux-là qui savent lire,
Nos romanciers précieux
Et nos bons porteurs de lyres
Ne sont pas tous des messieurs.

Et ces quarante momies,
Qui ne veulent pas de la
Femme en leurs Académies !…
Et cependant, oh ! là là !

La grâce au talent unie,
Je crois qu’une femme vaut
Un homme sans nul génie,
Et qui ne serait pas beau…

Sous leur coupole morose,
Serait-ce pas comme qui
Dirait un bouton de rose
Dans un carré de persil ?

Bref, quoi qu’on dise ou qu’on fasse,
La femme tout embellit,
Croyez qu’elle tient sa place
Partout, — même dans un lit.
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