Raoul Ponchon


Bourgogne d’Australie ! -

Vous êtes par trop rigolos,
Australiens immenses !
Mettez bien dans vos ciboulots
Où règnent les démences,

Qu’il n’est d’autre vin bourguignon
— Croyez-en un ivrogne —
Que celui que nous bourgognons
Aux coteaux de Bourgogne.

Et la Bourgogne, elle est ici,
Et non en Australie.
Mêmement la Gascogne ; aussi
La Champagne jolie.

Il faut avoir un fier toupet,
Pour mettre une étiquette
Semblable, à votre vin suspect,
Véritable piquette !

Il n’est, chez nous, maigre pinard,
Qui ne soit cent fois brave
Comme le vin le plus gaillard
De vos meilleures caves.

Appelez-moi de quelque nom
Que vous voudrez… Pancrace,
Népomucène… Agamemnon…
Mais, mes enfants, de grâce,

N’appelez pas vin Bourguignon
Le vin de votre flore.
Enfin, pour votre instruction,
Que vous dirai-je encore ?…

Vous planteriez, ô Melbournois !
Sur vos coteaux barbares,
Les plus fins de nos ceps gaulois,
Nos « pineaux » les plus rares,

En vain ! Car, à ces gaillards-là,
À ces vrais gentilshommes,
Il faut ce terroir de gala,
Dont, Dieu merci ! nous sommes.

Ils ont besoin de ce soleil
Qui couve notre France
Et n’a nulle part son pareil,
Parlant par révérence !

En revanche, plantez ici,
De votre vigne piètre
Le rejeton le plus transi,
Vous le verrez renaître :

Notre sol, au bout d’un moment,
Lui sera salutaire,
Comme aussi notre ciel clément :
Voilà tout le mystère.

De même qu’un lourd Allemand
Peut devenir tout autre,
S’il quitte opiniâtrement
Sa « kultur » pour la nôtre.

Mais, j’entends un Australien,
Dans l’aimable assistance,
Qui me dit : « Parbleu ! citoyen,
J’admire ta jactance !

Et pour parler si posément
De ce vin d’Australie,
En as-tu goûté seulement ?… »
Las ! oui, jusqu’à la lie !

Même, si je m’en souviens bien,
C’est en dix-neuf cent, voire
Au pavillon Australien
Qu’il m’arriva d’en boire.

À cette époque-là, du moins,
Vous aviez la vergogne
De ne le point, devant témoins,
Dénommer Bourgogne.

Non. Vous l’appeliez « Tintara »
Mais, j’en jure la Bible,
J’aurais préféré Choléra,
C’eût été plus plausible.

Car, huit jours après avoir bu
De ce soi-disant… Beaune,
Je sentais encore, vois-tu,
Dans mon ventre un… cyclone !
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