Raoul Ponchon


Bouquet

Ces roses sont d’un rose étourdissant,
N’est-il pas vrai, ma reine délicate ?
Et je crois bien que le lyrisme éclate
En ces œillets éclaboussés de sang.

Quoi d’opulent ainsi que ces stramoines ?
Et ces glaïeuls pour moi n’ont pas de prix :
Dans quelle aurore ont-ils été surpris ?
Quel incendie embrase ces pivoines !

Vois ces lis purs comme la Vérité :
Le clair de lune avec le rêve chaste
Ont revêtu d’inexprimable faste
Ces fleurs de grâce et de virginité.

Ce fol orchis veut se moquer sans doute,
Malgré son luxe et son geste élégant
Il est aussi par trop extravagant :
C’est un oiseau qui bat de l’aile, écoute.

Aimez un peu ces fleurs de haricots.
Ces fines fleurs de lin, d’un bleu modeste,
Vont rafraîchir et câliner de reste
Vos yeux blessés par ces coquelicots.

Ce souci d’or fait un sacré tapage
À lui tout seul. Calmez-vous, fier souci ;
Si chaque fleur criait ainsi, merci !
Il faudrait fuir sur un autre rivage.

Heureusement qu’à côté de cela
Sont des asters, la sapience même,
Des dalhias idiots, mais que j’aime.
Oh ! les pavots sublimes que voilà !

Toutes ces fleurs aux pétales de flamme
Et d’aube claire et d’ineffables ciels,
Urnes d’amour où s’éveillent les miels,
Sont-elles pas vivantes, ma chère âme ?

Oui, leur cœur bat et palpite leur chair
Au moindre vol d’insecte qui les touche,
Et, c’est fleurir la pudeur sur leur bouche
Et leur suave haleine étonne l’air.

Toute palette en est intimidée.
Hokousaï dans ses kakémonos
De ses pinceaux vifs comme des moineaux
En donne seul une lointaine idée.

Tiens, mais j’avais des phlox épanouis
Parmi ces fleurs ; qu’en ai-je fait ? Sans doute,
En me pressant j’ai dû les perdre en route !
Rappelle-toi qu’ils étaient inouïs !

Je tiens les fleurs, moi, pour surnaturelles.
Je ne saurais sans les fleurs être heureux ;
Mon regard va, comme un chat amoureux,
Les caresser et se frotter contre elles.
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