Il tarde au Pèlerin d’achever son voyage,
Le Marinier voudroit n’être plus sur les eaux :
Tout ouvrier s’éjouit au bout de son ouvrage,
L’Homme pleure approchant de la fin de ses maux.
XCII.
Pour un temps la clarté du Soleil est ravie,
Mais tu la recevras bien plus luisante un jour :
Et ce jour que tu crois le dernier de ta vie,
Est une autre naissance en l’immortel séjour.
XCIII.
Quel tort te fait la mort, du mondain, je te prie,
Quand perdant sous l’espoir de quelque jeu plus beau,
Elle t’ôte la carte en te coupant la vie,
Et pour sauver ta vie emporte le flambeau.
XCIV.
Lâche tu crains passer sur cette étroite planche,
Où Dieu même a passé, où tous les hommes vont :
Tu y vas en enfant que l’on tient par la manche,
Et toujours vers le bord tu retournes le front.
XCV.
Au delà tu verras ces plaisantes campagnes
Dont l’immense beauté surpasse le discours :
Des Rois et des sujets les âmes sont compagnes,
C’est un état certain qui durera toujours.
XCVI.
Que verras-tu de plus pour vivre davantage ?
Ce Ciel et ce Soleil se sont vus autrefois :
Et quand tu renaîtrois pour passer un autre âge,
Cet Univers seroit tout tel que tu le vois.
XCVII.
La mort finit les maux, elle est le seul refuge
De celui qui ne peut éviter le courroux
D’un superbe ennemi et d’un sévère Juge :
C’est un lieu que le Ciel a ordonné pour tous.
XCVIII.
A ce dernier départ l’âme rit, le corps pleure,
Le banni s’éjouit au temps de son retour :
Ce corps est le logis, ce n’est pas sa demeure,
L’âme immortelle veut un immortel séjour.
XCIX.
Comme l’aube, la mort est du jour la fourrière,
Où toujours le Soleil sans se coucher reluit,
On ne s’égare point sous la claire lumière,
Qui va contre le jour ne doit craindre la nuit.
C.
D’un éternel repos ta fatigue est suivie,
Ta servitude aura une ample liberté :
Où se couche la Mort, là se lève la Vie,
Et où le Temps n’est plus, là est l’Éternité.