Ce bigot qui ses vœux sur son mérite fonde,
Dont le cœur va partout, et n’a l’œil qu’en un lieu,
Honteux n’oseroit dire au moindre homme du monde,
Les choses que profane il n’ose dire à Dieu.
LXXXII.
L’or dans le feu s’affine, et l’esprit dans la peine ;
Le ver ronge l’habit dedans le coffre enclos ;
L’eau qui n’a point de cours est puante et malsaine ;
L’épée s’enrouille au croc, et l’esprit au repos.
LXXXIII.
Ouvrant ton âme à Dieu ferme ta bouche au monde,
Et ne laisse aller tes pensées par l’air :
Dieu voit clair dans les cœurs, son jugement les fonde,
Et confond qui n’accorde au faire le parler
LXXXIV.
Le joueur peut bien dire à demain les affaires ;
De voir ni d’être vu il n’a jamais loisir :
Ses esprits sont toujours battus de vents contraires,
Sa perte a plus d’ennui que son gain de plaisir.
LXXXV.
Pour se garder d’affaires il faut un soin extrême,
Le mal vient sans mander, et sans être attendu ;
La mauvaise herbe croît toujours sans qu’on la sème :
On trouve tôt l’ennui qu’on pense avoir perdu.
LXXXVI.
Le rien faire du tout rompt l’esprit et l’énerve,
Le travail modéré le rend vif et dispos ;
L’oisiveté le perd, le travail le conserve :
Mais libre n’est celui qui n’a jamais repos.
LXXXVII.
Qui cherche le repos au trouble des affaires,
Pense trouver le calme en la fureur des flots ;
Le monde et le repos sont deux choses contraires :
L’eau trouble s’éclaircit quand elle est en repos.
LXXXVIII.
La fortune en la Cour est légère et volage,
Au gré du favori la faveur ne réussit ;
Bien souvent dans le port les faveurs font naufrage,
Plus le Soleil est chaud, plus son ombre noircit.
LXXXIX.
Les honneurs, les grandeurs, et les charges plus belles
Sont les avant-coureurs de quelque aversité,
Pour leur dernier malheur les fourmis ont des ailes,
Et l’embonpoint du corps altère la santé.
XC.
La jeunesse aux excès a toujours plus d’amorce,
Que n’ont les oiseleurs ni les pêcheurs d’appas ;
Vieillard tu veux pécher, et tu n’as plus de force,
Le péché t’a quitté, tu ne le quittes pas.