Quand le soleil se couche horizontal,
De longs rayons noyant la plaine immense,
Comme un ble mur, le ciel occidental
De pourpre vive et d'or pur se nuance;
L'ombre est plus grande et la clarte s'eteint
Sur le versant des pentes opposees;
Enfin, le ciel, par degres, se deteint,
Le jour s'efface en des brumes rosees.
Reposons-nous!
Le repos est si doux:
Que la peine sommeille
Jusqu'a l'aube vermeille!
Dans le sillon, la charrue, au repos,
Attend l'aurore et la terre mouillee;
Bergers, comptez et parquez les troupeaux,
L'oiseau s'endort dans l'epaisse feuillee.
Gaules en main, bergeres, aux doux yeux,
A l'eau des gues menent leurs betes boire;
Les laboureurs vont delier les boeufs,
Et les chevaux soufflent dans la mangeoire.
Reposons-nous! etc.
Tous les fuseaux s'arretent dans les doigts,
La lampe brille, une blanche fumee
Dans l'air du soir monte de tous les toits;
C'est du repas l'annonce accoutumee.
Les ouvriers, si las, quand vient la nuit,
Peuvent partir; enfin, la cloche sonne,
Ils vont gagner leur modeste reduit,
Ou, sur le feu, la marmite bouillonne.
Reposons-nous! etc.
La menagere et les enfants sont la,
Du chef de l'atre attendant la presence:
Des qu'il parait, un grand cri: 'Le voila!'
S'eleve au ciel, comme en rejouissance;
De bons baisers, la soupe, un doigt de vin,
Rendent la joie a sa figure bleme;
Il peut dormir, ses enfants ont du pain,
Et n'a-t-il pas une femme qui l'aime?
Reposons-nous! etc.
Tous les foyers s'eteignent lentement;
Dans le lointain, une usine, qui fume,
Pousse de terre un sourd mugissement;
Les lourds marteaux expirent sur l'enclume.
Ah! detournons nos ames du vain bruit,
Et nos regards du faux eclat des villes:
Endormons-nous sous l'aile de la nuit
Qui mene en rond ses etoiles tranquilles!
Reposons-nous! etc.