Pierre Dupont

1821-1870 / France

Le Repos Du Soir

Quand le soleil se couche horizontal,
De longs rayons noyant la plaine immense,
Comme un ble mur, le ciel occidental
De pourpre vive et d'or pur se nuance;
L'ombre est plus grande et la clarte s'eteint

Sur le versant des pentes opposees;
Enfin, le ciel, par degres, se deteint,
Le jour s'efface en des brumes rosees.
Reposons-nous!
Le repos est si doux:
Que la peine sommeille
Jusqu'a l'aube vermeille!

Dans le sillon, la charrue, au repos,
Attend l'aurore et la terre mouillee;
Bergers, comptez et parquez les troupeaux,
L'oiseau s'endort dans l'epaisse feuillee.
Gaules en main, bergeres, aux doux yeux,

A l'eau des gues menent leurs betes boire;
Les laboureurs vont delier les boeufs,
Et les chevaux soufflent dans la mangeoire.
Reposons-nous! etc.

Tous les fuseaux s'arretent dans les doigts,
La lampe brille, une blanche fumee
Dans l'air du soir monte de tous les toits;
C'est du repas l'annonce accoutumee.
Les ouvriers, si las, quand vient la nuit,
Peuvent partir; enfin, la cloche sonne,
Ils vont gagner leur modeste reduit,
Ou, sur le feu, la marmite bouillonne.
Reposons-nous! etc.

La menagere et les enfants sont la,
Du chef de l'atre attendant la presence:
Des qu'il parait, un grand cri: 'Le voila!'
S'eleve au ciel, comme en rejouissance;
De bons baisers, la soupe, un doigt de vin,
Rendent la joie a sa figure bleme;
Il peut dormir, ses enfants ont du pain,
Et n'a-t-il pas une femme qui l'aime?
Reposons-nous! etc.

Tous les foyers s'eteignent lentement;
Dans le lointain, une usine, qui fume,
Pousse de terre un sourd mugissement;
Les lourds marteaux expirent sur l'enclume.
Ah! detournons nos ames du vain bruit,
Et nos regards du faux eclat des villes:
Endormons-nous sous l'aile de la nuit
Qui mene en rond ses etoiles tranquilles!
Reposons-nous! etc.
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