Paul Armand Silvestre


Exil

Je sais une maison fleurie
D’où mon coeur n’est pas revenu,
Et qui m’est comme une patrie
Où l’exil m’a fait inconnu.

Comme une feuille au vent fanée,
A son seuil de lierre jeté,
En n’y restant qu’une journée
J’y laissai mon éternité.

Car mon rêve, au lierre fidèle
Mêlant mon âme, a suspendu
Au doux toit qui me parle d’elle
L’ombre de mon amour perdu.

Sitôt que son aile m’emporte,
C’est pour y ramener mes pas,
Et je revois la chère porte
Qui sur moi ne se rouvre pas ;

Le jardin tout plein de lumière
Où montait sur les deux pâlis
L’orgueil de la rose trémière
Dominant la candeur des lys ;

Et, debout au fond de l’allée
De chênes aux feuillages lourds
Le vieux mur où la giroflée
Posait ses rouilles de velours !
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