Maurice Rollinat

1842-1888 / France

Villanelle du ver de terre

Le malheureux ver de terre
Vit sans yeux, sans dents, tout nu,
Dans l’horreur et le mystère.

Tortueux comme une artère,
C’est un serpent mal venu,
Le malheureux ver de terre.

Jardinet de presbytère,
Et vieux parc entretenu
Dans l’horreur et le mystère

Tentent par leur ombre austère
Et leur calme continu
Le malheureux ver de terre.

Il suit l’étang délétère
Et le buisson biscornu
Dans l’horreur et le mystère.

Reptile humble et sédentaire,
Dans son trajet si menu,
Le malheureux ver de terre

Fuit la poule solitaire
Et le pécheur saugrenu
Dans l’horreur et le mystère.

Lorsque la chaleur altère
Le sol herbeux ou chenu,
Le malheureux ver de terre,

Qui de plus en plus s’enterre,
Devient gros, rouge et charnu
Dans l’horreur et le mystère.

Et c’est le dépositaire
Des secrets de l’inconnu,
Le malheureux ver de terre
Dans l’horreur et le mystère.
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