Jean Lorrain


Relent d'amour

Beauté tragique et vénéneuse,
Genèvre, Ô pale empoisonneuse
Dont les refus lents et savants

M'ont appris l'amère ironie
Des vains désirs à l'agonie
De l'amour même survivants,

Je hais et maudis ta mémoire,
Coupe d'or où ne veut plus boire
Mon coeur las, altéré d'oubli.

Déjà lointaine comme un songe,
Tu n'étais plus qu'un vain mensonge
Dans mon sépulcre enseveli...

Quand voilà qu'une bagatelle,
Le fréle éventail de dentelle
Dans mes main tombé par hasard,

M'emplit de ton odeur aimée,
Relent de ta chair embaumée,
Parfum de benjoin et de fard...

Et soudain tiré de l'abîme,
Pareil à l'antique victime
Engraissée aux caveaux sacrés,

Comme une bête qu'on égorge,
Je reviens en tendant la gorge,
Pleurer sur tes pieds adorés.
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