Jean-Antoine Roucher


Les Mois

Ambitieux rival des maîtres de la lyre,
Qu’un autre des guerriers échauffe le délire ;
Qu’un autre, mariant de coupables couleurs,
Soit le peintre du vice, et le pare de fleurs :
Moi, voué jeune encor à de plus nobles veilles,
Moi, qui de la nature observai les merveilles,
J’aime mieux du soleil chanter les douze enfans,
Qui d’un pas inégal le suivent triomphans,
Et de signes divers la tête couronnée,
Monarques tour-à-tour, se partagent l’année.
Sur la roche sauvage où le chêne a vieilli
J’irai m’asseoir ; et là, dans l’ombre recueilli,

À l’aspect de ces monts suspendus en arcades,
Et du fleuve tombant par bruyantes cascades,
Et de la sombre horreur qui noircit les forêts,
Et de l’or des épis flottant sur les guérets ;
À la douce clarté de ces globes sans nombre,
Qui flambeaux de la nuit rayonnent dans son ombre ;
À la voix du tonnerre, au fracas des autans,
Au bruit lointain des flots se croisans, se heurtans,
De l’inspiration le délire extatique
Versera dans mon sein la flamme poétique,
Et parcourant les mers, et la terre, et les cieux,
Mes chants reproduiront tout l’ouvrage des dieux.
Bienfaiteur des mortels, ô géant invincible ;
Dont l’hercule Thébain fut l’image sensible ;
Toi qui combats toujours, et toujours plus ardent ;
De triomphe en triomphe atteins à l’occident ;
Toi qui de la nature enfantas l’harmonie,
Ô soleil ! C’est toi seul qu’implore mon génie.
Sois l’astre de ma muse, et préside à mes vers :
Comme toi, mon sujet embrasse l’univers.
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