Le doux printemps revient, et ranime à la fois
Les oiseaux, les zéphirs, et les fleurs, et ma voix.
Pour quel sujet nouveau dois-je monter ma lyre ?
Ah ! Lorsque d'un long deuil la terre enfin respire,
Dans les champs, dans les bois, sur les monts d'alentour,
Quand tout rit de bonheur, d'espérance et d'amour,
Qu'un autre ouvre aux grands noms les fastes de la gloire ;
Sur un char foudroyant qu'il place la victoire ;
Que la coupe d'Atrée ensanglante ses mains :
Flore a souri ; ma voix va chanter les jardins.
Je dirai comment l'art, dans de frais paysages,
Dirige l'eau, les fleurs, les gazons, les ombrages.
Toi donc, qui, mariant la grace et la vigueur,
Sais du chant didactique animer la langueur,
Ô muse ! Si jadis, dans les vers de Lucrèce,
Des austères leçons tu polis la rudesse ;
Si par toi, sans flétrir le langage des dieux,
Son rival a chanté le soc laborieux ;
Viens orner un sujet plus riche, plus fertile,
Dont le charme autrefois avoit tenté Virgile.
N'empruntons point ici d'ornement étranger ;
Viens, de mes propres fleurs mon front va s'ombrager ;
Et, comme un rayon pur colore un beau nuage,
Des couleurs du sujet je tiendrai mon langage.
L'art innocent et doux que célèbrent mes vers,
Remonte aux plus beaux jours de l'antique univers.