Hégésippe Moreau


Nicolas

Chez Nicolas, moi, je me plais,
Malgré son air sévère.
Après boire au nez des valets
Si l’on jette son verre,
Si l’on s’escrime avec les plats,
Il gronde et veut qu’on parte :
Ne vous emportez pas,
Nicolas ;
Mettez ça sur la carte.

Ce mot apaise en un moment
Notre hôte qui s’effraie ;
Sous ce bon prince on a vraiment
Les libertés qu’on paie.
Attable-t-on certains appas,
Il gronde et veut qu’on parte :
Ne vous emportez pas,
Nicolas ;
Mettez ça sur la carte.

Priant de ne pas l’oublier,
Quand la gentille Rose
Voit chacun dans son tablier
Lui glisser quelque chose,
. . . . . . . . . . . . . . . .
Il gronde et veut qu’on parte :
Ne vous emportez pas,
Nicolas ;
Mettez ça sur la carte.

Si quelque vent, fort à propos
Éteignant la chandelle,
Fait trébucher parmi les pots
Son épouse fidèle,
Si de la nappe on fait des draps,
Il gronde et veut qu’on parte :
Ne vous emportez pas,
Nicolas ;
Mettez ça sur la carte.

Le pouvoir est de ses amis :
Dans un coin de la salle
Il a vingt fois mis et remis
Certain buste un peu sale.
Quand le plâtre vole en éclats,
Il gronde et veut qu’on parte :
Ne vous emportez pas,
Nicolas ;
Mettez ça sur la carte.

Nicolas, digne petit-fils
De madame Grégoire,
Ton vin m’inspirait quand je fis
Ces couplets à ta gloire.
Ton vin est bon, mes vers sont plats ;
Mais il faut que je parte :
Je te les offre, hélas !
Nicolas,
Pour acquitter la carte.
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