Comme l’abeille fugitive
Qui fait son miel en voyageant ;
Le chansonnier de rive en rive
Va bourdonnant et voltigeant ;
Comme elle, du myrte à la treille,
Il recommence vingt détours :
Vole, vole, petite abeille,
Vole, vole, vole toujours.
Hélas ! je rampais, demi-nue,
Sans ailes d’or, sans aiguillon,
Quand tout mon essaim vers la nue
S’envola dans un tourbillon ;
Mais Dieu me sourit, Dieu qui veille
Sur un insecte sans secours,
Me dit : « Vole, petite abeille,
» Vole, vole, vole toujours.
Loin des tourbillons de poussières
Que font les grands et leurs laquais,
Dans la mansarde ou la chaumière
Murmure à de joyeux banquets ;
Mais en fuyant, pique à l’oreille
Les Midas qui peuplent les cours :
Vole, vole, petite abeille,
Vole, vole, vole toujours.
Oui, garde bien, pauvre orpheline,
Un dard caché pour les méchants ;
Mais si quelque vierge enfantine
Cueille des bluets dans les champs,
Va bourdonner dans sa corbeille,
Et fais-la rêver aux amours :
Vole, vole, petite abeille,
Vole, vole, vole toujours.
Mon souffle a reverdi la terre,
Teinte du sang des oppresseurs ;
Longtemps l’éclat du cimeterre
Sur l’Hymette effraya tes sœurs ;
Mais à la Grèce qui s’éveille,
La Liberté rend ses beaux jours.
Vole, vole, petite abeille,
Vole, vole, vole toujours. »
Moi, dans les paroles divines
Je me confie, et sans savoir
Si sur des fleurs ou des épines
Il faudra m’endormir le soir ;
Quand vient la brise, je sommeille,
Et je m’abandonne à son cours :
Vole, vole, petite abeille,
Vole, vole, vole toujours.