Guillaume Apollinaire

26 August 1880 – 9 November 1918 / Rome

Souvenir des Flandres

J'ai goûté sur la dune où Dante a dû passer
Les couchants langoureux des pensives Zélandes ;
Les clochers regardaient de la digue et des landes,
Bruges, sur ton canal les bélandres glisser.

Villes, vos monuments, églises et musées,
Renaissent en mon âme. Ô Flandres, je revois
Vos chefs-d'œuvre debout, et d'eux monte une voix
Qui dit : ' Nous renaîtrons, nous les pierres brisées. '
Qui dit : ' Nous reviendrons, nous livres et tableaux
Nous autels, nous joyaux, et nous L'AGNEAU MYSTIQUE,
Nous Châsse de Memlinc, cet éternel cantique,
Et nous ces fins d'été qui saignent dans les flots

Nous renaîtrons : corons, hospices, béguinages,
Beffrois et carillons, négoces opulents.
Qu'importe le Malheur ! Sur les canaux dolents
Comme des cygnes vont les misères des âges.

Leur sillage s'efface aussitôt. Les destins
Rient dans les moissons d'or et dam le sein des mères.
Nous renaîtrons aussi, nous fêtes populaires,
Kermesses, Carrousels. ' - Ô fraîcheur des matins

Tendresse des longs soirs alanguis dans les Flandres,
Grands ports que chaque nuit colorent les fanaux,
Je me souviens de vous, eaux vertes des canaux
Où glissent lentement les pensives bélandres.

L'ANÉMONE a fleuri dans le nom d'Archangel
Quand les anges pleuraient d'avoir des engelures,
Et le nom de Florence a soupiré conclure
Les serments en vertige aux degrés de l'échelle.
Des voix blanches chantant dans le nom d'Archangel
Ont modulé souvent des nénies de Florence
Dont les fleurs, en retour, plaquaient de lourdes transes
Les plafonds et les murs qui suintent au dégel.

Ô Florence ! Archangel !

L'une : baie de laurier, mais l'autre : herbe angélique,
Des femmes, tour à tour, se penchent aux margelles
Et comblent le puits noir de fleurs et de reliques,
De reliques d'archange et de fleurs d'Archangel !
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