Charles Leconte de Lisle

1818-1894 / France

Hymne au soleil couchant

Du splendide Orient monarque solennel,
Devant ton char d’éclairs dont s’embrase le ciel,
Les mers s’entr’ouvrent d’elles-mêmes ;
Adieu, mourant sublime, astre de flamme et d’or,
Adieu, la nuit s’abaisse et l’univers s’endort,
Baigné de tes rayons suprêmes :
Majestueux soleil, de ton linceul pourpré,
Comme un guerrier vaincu, voile ton front sacré !
Sans doute, il est bien doux de rêver sur les rives,
Aux chants mélodieux de nos houles plaintives ;
Il est doux de rêver, soleil,
Quand les perles d’azur que fait jaillir l’Aurore
Unissent leur éclat à cet hymne sonore
Qui prédit ton brillant réveil.
Sous ton premier regard, ineffable mystère,
Il est doux d’aspirer les senteurs de la terre
Se mêlant aux parfums divins.
Il est doux d’écouter les rossignols d’Asie
Épancher leurs accords de fraîche poésie
Dans les roses de nos ravins.

Il est doux d’éblouir sa fragile prunelle
À suivre ton élan dans la voûte éternelle.
Lorsque, frappant du pied les monts.
Tu surgis, glorieux, des neiges vaporeuses,
Et comme un vaisseau d’or, aux voiles lumineuses,
Tu fends une mer de rayons !

Mais, que notre cœur bat, à ton heure dernière !
Quand l’Océan, joyeux de ta défaite altière,
Enflamme ses abîmes verts ;
Quand, sublime exilé, levant un œil humide
Vers les champs azurés de ta gloire rapide,
Tu contemples les cieux déserts !
Hélas ! gloire, beauté passent, banni céleste !
Mais l’abîme fécond des flots
Dans ton vol immortel est un lieu de repos :
Soleil, on peut mourir, quand l’éternité reste.

Du splendide Orient monarque solennel,
Devant ton char d’éclairs dont s’embrase le ciel
Les mers s’entr’ouvrent d’elles-mêmes ;
Adieu, mourant sublime, astre de flamme et d’or,
Adieu, la nuit s’abaisse et l’univers s’endort,
Baigné de tes rayons suprêmes :
Majestueux soleil, de ton linceul pourpré,
Gomme un guerrier vaincu, voile ton front sacré !
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