Arsène Houssaye


Les trois amoureux

Jeanne est si blonde, qu'elle est rousse.
Le jour de Pâques elle s'en va
Cueillir l'aubépine qui pousse,
Qui pousse, pousse et fleurira.

La belle, en robe des dimanches,
Rubans roses, fichu coquet,
Gaspille les fleurs sur les branches
Pour se faire un joli bouquet.

Elle s'endormit sur la mousse,
Mais sa bouche encor respira
L'aubépine qui pousse, pousse,
Qui pousse, pousse et fleurira.

Trois chasseurs courant le bocage
La surprirent dans son sommeil,
Comme un oiseau dans une cage
Rêvant à l'horizon vermeil.

Le premier d'une voix bien douce
Lui dit : « Je t'aime, » et l'embrassa
Près de l'aubépine qui pousse,
Qui pousse, pousse et fleurira.

Elle rêvait que d'aventure
Elle était biche, et que les loups
La poursuivaient sous la ramure :
Elle était sens dessus dessous.

Le second sur le lit de mousse
Cueillit à son sein qu'il baisa,
Cueillit l'aubépine qui pousse,
Qui pousse, pousse, et la piqua.

Le troisième, genoux en terre,
Tout doucement la réveilla.
Que lui dit-il ? C'est un mystère,
L'écho du bois ne le dira !

Car s'il le disait, brune ou rousse,
Vous iriez toutes, ça de là,
Cueillir l'aubépine qui pousse,
Qui pousse, pousse et piquera.
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