Salut, divin triomphe! entre dans nos murailles;
Rends-nous ces guerriers illustrés
Par le sang de Désille et par les funérailles
De tant de Français massacrés.
Jamais rien de si grand n'embellit ton entrée;
Ni quand l'ombre de Mirabeau
S'achemina jadis vers la voûte sacrée
Où la gloire donne un tombeau;
Ni quand Voltaire mort et sa cendre bannie
Rentrèrent aux murs de Paris,
Vainqueurs du fanatisme et de la calomnie
Prosternés devant ses écrits.
Un seul jour peut atteindre à tant de renommée,
Et ce beau jour luira bientôt:
C'est quand tu conduiras Jourdan à notre armée,
Et Lafayette à l'échafaud.
Quelle rage à Coblentz! quel deuil pour tous ces princes,
Qui, partout diffamant nos lois,
Excitent contre nous et contre nos provinces
Et les esclaves et les rois!
Ils voulaient nous voir tous à la folie en proie.
Que leur front doit être abattu!
Tandis que parmi nous quel orgueil, quelle joie
Pour les amis de la vertu,
Pour vous tous, ô mortels, qui rougissez encore
Et qui savez baisser les yeux,
De voir des échevins que la Râpée honore
Asseoir sur un char radieux
Ces héros que jadis sur les bancs des galères
Assit un arrêt outrageant,
Et qui n'out égorgé que très peu de nos frères
Et volé que très peu d'argent!
Eh bien, que tardez-vous, harmonieux Orphées?
Si sur la tombe des Persans
Jadis Pindare, Eschyle, ont dressé des trophées,
Il faut de plus nobles accents.
Quarante meurtriers, chéris de Robespierre,
Vont s'élever sur nos autels.
Beaux-arts, qui faites vivre et la toile et la pierre,
Hâtez-vous, rendez immortels
Le grand Collot d'Herbois, ses clients helvétiques,
Ce front que donne à des héros
La vertu, la taverne et le secours des piques.
Peuplez le ciel d'astres nouveaux,
O vous, enfants d'Eudoxe et d'Hipparque et d'Euclide,
C'est par vous que les blonds cheveux
Qui tombèrent du front d'une reine timide
Sont tressés en célestes feux;
Par vous l'heureux vaisseau des premiers Argonautes
Flotte encor dans l'azur des airs.
Faites gémir Atlas sous de plus nobles hôtes,
Comme eux dominateurs des mers.
Que la nuit de leurs noms embellisse ses voiles,
Et que le nocher aux abois
Invoque en leur galère, ornement des étoiles,
Les Suisses de Collot d'Herbois.